Saint Amans de Pellagal : quelques erreurs flagrantes

 

À l'échelle de Saint Amans de Pellagal, deux faits, présentés comme avérés, n'ont aucun fondement historique et il est même facile, avec la documentation dont nous disposons, d'affirmer qu'ils sont faux.


- Le premier est l'origine templière d'un, voire de deux châteaux de Saint Amans de Pellagal, que l'on retrouve dans plusieurs ouvrages rédigés par des prêtres, et dont la légende reste vivace jusqu'à nos jours.
Il ne peut s'agir, à l'évidence, de la maison forte des Montaigu-Mondenard situé au Bourg : une communauté templière, c'est environ 500 à 700 personnes. Hommes d'armes, chevaliers, écuyers, palefreniers, sont entourés de paysans et de serviteurs divers qui fournissent les denrées nécessaires aux moines-soldats. La surface de construction d'un tel lieu dépasse largement la capacité du Bourg, et la surface et la qualité des terres disponibles n'offre pas la capacité de nourrir autant de personnes rassemblées. Si la population de la paroisse de Saint Amans de Pellagal a effectivement atteint 400 personnes, c'est à une époque où les rendements agricoles étaient 5 à 7 fois plus élevés qu'au XIIème siècle. De plus, on sait que les seigneurs des lieux étaient, depuis au moins le IXème siècle, les Montaigu-Mondenard et je n'ai trouvé nulle part mention de leur appartenance au Temple.
Quant aux deux autres, Lagarde en Calvère et Aucastels, au XIIème et XIIIème siècles, on sait parfaitement qui les a construits et qui en est propriétaire. D'une part, la famille Rozet et les moines de Moissac, construction par les frères Calvère et leurs successeurs, d'autre part, la famille Loubéjac. Et s'y poseraient également les problèmes de place et de subsistance.
Je pense que la confusion vient du fait que la famille Castagner d'Apremont (en Vendée) fut à l'origine de la construction d'une commanderie templière et que l'un des fils de cette famille appartint à la première douzaine de Chevaliers fondateurs de l'Ordre du Temple en Occident en 1129; assura un moment l'intérim après la mort du Grand Maitre; fut élu Grand Maitre mais n'accepta pas la charge. Les historiens catholiques ont pu attribuer à la branche de Aucastels les actions des chevaliers d'Apremont.


- Le deuxième est la destruction d'un, voire de deux châteaux, par Simon de Montfort
Selon les auteurs, c'est soit La Garde en Calvère, soit Aucastels, soient les deux, en 1214
Or, on sait que la construction du château de La Garde en Calvère s'est déroulée sans interruption de 1204 à 1290 et les archives de l'abbaye de Moissac ne gardent aucune trace de destruction totale ou partielle durant cette période. Au contraire, les différents baux à fief accordé par les moines montrent une évolution de la construction du château, chaque locataire successif ayant à construire une partie. Par ailleurs, il serait étonnant que Simon de Montfort ait détruit en 1214 un château appartenant aux Moines placés sous sa juridiction, avec lesquels il avait passé un accord de non-agression le 14 septembre 1212.
Pour Aucastels, ni dans l'histoire des Loubéjac, ni dans l'histoire des Castagner, il n'est fait mention d'une destruction avant 1612 (même si la construction a dû énormément évoluer durant 4 siècles).
Enfin, il n'est fait nulle mention, ni de La Garde en Calvère, ni de Aucastels dans le "Catalogue des actes de Simon et d'Amauri de Montfort", chronique officielle et au jour le jour de la croisade des Montfort. Alors certes, on prête à Simon de Montfort un certain nombre de destructions irraisonnées (je veux dire : non explicables par la logique historique des alliances et accords passés) au cours du mois d'avril 1214. Mais si ses troupes avaient commis toutes les destructions que les historiens du XIXème siècle leurs attribuent, elles auraient dû prendre et raser un château tous les deux jours, pendant ce mois d'avril, dans le secteur allant de Cahors à Moissac.


D'autres approximations viennent du fait que les historiens ne se déplacent pas sur les lieux dont ils parlent, travaillent à partir des écrits d'autres personnes, et, de ce fait, répliquent les erreurs faites par ceux-ci.
C'est le cas de Clabault, généalogiste de la famille Castagner, qui travaille largement à partir de l'ouvrage d'André Duchesne, écrit 150 ans plus tôt, et qui écrit sur la branche quercynoise sans jamais avoir quitté le Poitou. Ce qui ne facilite pas les choses pour comprendre les liens entre les lieux et les personnes. Parler d'un château et de ses ruines sans jamais l'avoir vu est assez spécieux.
À l'opposé, des passionnés d'histoire plus proches de nous, l'abbé Taillefer, l'abbé Jean Dubois, Edouard Forestié et d'autres membres de la Société Archéologique du Tarn et Garonne, qui écument la campagne quercynoise à la recherche de documents, connaissent parfaitement leur sujet et la géographie des lieux. Mais, ils se laissent entraîner par les travers de la IIIème République, brodant autour des faits, enjolivant les choses, se contredisant parfois. Ils ont en main les documents, mais ils interprètent les faits plutôt qu'ils ne les relatent impartialement.
Etonnamment, tout récemment, en 2014, Patrice Brassier dans ses "Chroniques Lauzertines" modifie la chronologie ou passe des actions sous silence (voir Castagner, la fin d'une dynastie). Sur le même sujet, dont nous parlerons à propos de l'histoire de la famille Castagner, Edouard Forestié, cent ans avant, donne une relation chronologique, dates précises à l'appui, grâce à une somme d'actes de justice et de récits de batailles dont il donne des extraits.


Il y également des erreurs qui proviennent de ce qu’un historien, pour accréditer une théorie, invente des faits, en contradiction, d’une part avec des documents antérieurs qui ne lui sont pas connus, d’autre part avec toutes les études généalogiques réalisées postérieurement.
Il en est ainsi d’Adrien Lagrèze-Fossat auteur d’un essai sur Moissac paru en 1870. Il prétend qu’au Moyen Âge les noms de lieux découlent toujours de noms de personnes, sans aucun document à l'appui et en contradiction avec toutes les études généalogiques et étymologiques. Nous savons que cette affirmation est fausse puisqu’à cette époque, les noms de personnes ne sont pas fixés et que seuls les noms donnés à la naissance (ce qu’on appelle maintenant "prénom") sont utilisés, le surnom, (ce qui est maintenant le nom propre) n'étant pas significatif, ni fixé. (Voir à ce sujet la page "L'histoire, l'orthographe, les langues et l'usure des siècles")
L'un de ses exemples concerne La Garde en Calvère. Il prétend que le lieu appartenait au Seigneur de Lagarde. D'une part, il est le premier à émettre cette hypothèse, d'autre part, les documents de l'abbaye de Moissac, rassemblés par la Société archéologique de Corrèze et publiés en 1897, montrent qu'aucun sieur de Lagarde n'a été propriétaire de ce lieu. Par contre, les mêmes documents indiquent que Guillaume de Lagarde, Provincial d’Aquitaine était témoin d'un acte passé entre l'abbé de Moissac Raymond de Proet et Guillaume Calvère, stipulant que celui-ci doit avoir sous ses ordres les hommes et les femmes résidant en son château. Il pourrait donc s'agir d'une confusion avec le supérieur des moines, pris pour le propriétaire du lieu. La plupart des historiens intervenant postérieurement aux écrits de Lagrèze-Fossat reprennent la théorie d'un Seigneur de Lagarde en l'assortissant parfois d'un "il semble"… Alors même qu'on a tous les éléments pour dire que cette possession de l'abbaye de Moissac fut remise entre les mains de la famille Rozet, pour y construire une motte castrale avec une tour et que ce lieu était une "garde", au sens médiéval du terme : lieu fortifié avec une garnison, n'appartenant pas à un Seigneur, mais qui est concédé pour exploitation. D'où le nom de lieu : La Garde.
Il y a, dans le même ouvrage, l'indication que Saint Amans de Pelagal (sans le double "l") serait, à l'origine, un nom de personne associé au nom du prédicateur. Les recherches généalogiques n'indiquent qu'une seule origine pour une famille Pelagal, en Italie. Il faudrait donc imaginer qu'un noble Italien soient venu, avant le XIIème siècle prendre possession de ce lieu appartenant aux Montaigu-Mondenard. Hypothèse peu crédible que Lagrèze-Fossat est, là aussi, le premier à proposer. Et qui est contredite par l'existence de la dynastie des Mondanard de Saint Amans.
Je pourrais continuer avec le nom de Lauzerte, dont l'origine a fait l'objet de nombreuses interprétations. Je vous laisse vous faire votre opinion en lisant "Légendes rurales, on-dit et idées colportées - Le nom de Lauzerte."

Malheureusement, s'il est facile de déformer les faits, il est beaucoup plus difficile de certifier que ce qu'on dit est exact. C'est pourquoi, moi aussi, sauf si j'ai au moins deux preuves de deux sources différentes ou des copies d'actes authentiques, je vous gratifierai de 'Il semble" ou de "selon Untel"


Il faut bien admettre qu'internet, pour les travaux de recherche historiques ou généalogiques, est une bénédiction, permettant des recherches pertinentes dans un fond d'ouvrages international. Certains documents accessibles par internet se trouvent parfois en exemplaire unique dans une ville ou dans une université anglaise ou américaine, voire dans un fond privé, et ces ouvrages anciens ont souvent été sortis de France à la Révolution par des nobles exilés qui les détenaient et qui emportaient leurs biens les plus précieux : les livres prouvant les origines de leur noblesse. Il était donc impossible à un historien français du XIXème siècle de les consulter. D'autant que, pour trouver un petit renseignement pertinent sur une histoire locale, il fallait déchiffrer parfois plusieurs milliers de pages d'ouvrages écrits par un chroniqueur plusieurs siècles avant. Ce qui se résout maintenant en tapant quelques mots dans un bon moteur de recherche orienté "livres numérisés".
Je ne prendrais qu'un seul exemple : une erreur de date, due à des ouvrages anciens mal imprimés ou dégradés. Selon les auteurs, le même acte, datant de 1504, est daté de 1534, de 1584 ou de 1594. L'ouvrage d'origine, disponible en trois versions de qualités inégales, numérisé récemment, montre, dans sa meilleure définition, que la date de 1504 est exacte. Mais, sur les deux autres, un défaut d'impression permet légitimement d'interpréter le zéro comme étant un 3, un 8 ou un 9. L'un des ouvrages, très dégradé, est conservé aux archives de Montauban, un autre à la Bibliothèque Nationale et le troisième, celui qui est dans le meilleur état, à la bibliothèque de la Michigan State University. Je doute qu'un historien régional du XIXème siècle ait pu accéder à ce dernier document, ce qui explique la méprise. De même, la plus belle numérisation que j'aie pu voir de " l'Armorial général des registres de la noblesse de France" de d'Hozier, dans l'édition originale, l'est à partir d'un exemplaire, en superbe état, de l'Université d'Ottawa.


Je ne suis pas exempt, moi non plus, de faire des erreurs. Merci de me les signaler si vous en trouvez.

 

 

templiers

Devise templière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

sceau simon de monfort

Sceau de
Simon de Montfort

 

 

 

 

 

histoire généalogique Du Chesne

 

 

 

 

Adrien Lagrèze-Fossat

Adrien Lagrèze-Fossat

 

 

boston

toronto

michigan

ottawa

 

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Mis à jour le 20.03.2018