André Étienne Just Pascal Joseph François d'Audebard de Férussac

Tandis que Jean Baptiste Louis Joseph se bat dans l’armée des Princes, son fils André passe son enfance dans le Jura où il s’adonne, très jeune, à l’histoire naturelle. Le Jura est riche en fossiles et pierres de toute sorte. Le naturaliste en herbe les collectionne avec passion. Comme son père, il s’intéresse particulièrement aux mollusques des rivières et des prés, généralement négligés par les naturalistes français du temps, et, lorsqu’il revient dans son pays natal en 1801, il poursuit ses observations jurassiennes dans l’Agenais et le Quercy. Pour perpétuer le passé militaire de la famille, il entre aux écoles mobiles des vélites, créées par Napoléon en 1804, pour former rapidement des élèves officiers en les incorporant à des bataillons de la Garde.


Férussac fils profite de sa montée à Paris, pour présenter à l’Académie, en octobre 1805, un mémoire écrit en commun avec son père sur leurs travaux de conchyliologie terrestre. L’accueil est très encourageant. Cuvier, commissaire rapporteur, salue ce jeune guerrier naturaliste, au service de la Patrie et de la Science. On est d’ailleurs en droit de penser que si l’Académie a autorisé un aussi jeune savant à lire devant elle un mémoire sur les mollusques non marins, dont elle n’a que faire, c’est sans doute pour avoir l’occasion de saluer un vélite, espoir de la Grande Armée, avant son départ à la guerre, et pour complaire à Lacepède, son compatriote agenais, qui le recommandait. Férussac fils reçoit ainsi à 18 ans des hommages académiques qu’il ne recevra plus guère ensuite, et qui s’adresse, au-delà de sa personne, à toutes les gloires militaires de l’Empire.
Quelques semaines plus tard, le vélite André de Férussac participe, au sein de la Garde, à la bataille d’Austerlitz, puis en 1806 à celle d’Iéna et en 1807, à Eylau, Heilsberg et Friedland.

Napoléon à Friedland

Napoléon à Friedland
(Horace Vernet © Réunion des Musées Nationaux)

La campagne de Prusse terminée, Férussac, promu sous-lieutenant, est affecté au 103e de ligne en Silésie, où il peut enfin se livrer de nouveau à sa passion conchyliologique. Il observe des bancs de coquillages fossiles non marins, mis en évidence, aux environs de Paris, sensiblement à la même époque (et indépendamment) par Cuvier et Brongniart, qui démontrent l’existence pendant de longues périodes de grands lacs d’eau douce. La conchyliologie fossile terrestre, jusque-là négligée hors du Quercy blanc, est devenue sans crier gare un enjeu géologique parisien. En 1808, le sous-lieutenant de Férussac quitte la Silésie pour l’Espagne où il participe au second siège de Saragosse pendant l’hiver 1808- 1809. Il est nommé lieutenant, aide de camp du général Darricau à Séville, et profite de ses reconnaissances pour recueillir des informations sur la géographie, l’archéologie, la géologie et l’histoire naturelle de l’Espagne. Il repère de nouveau, en Andalousie, de ces bancs de mollusques fluviatiles fossiles qu’il a observés en Silésie.


Malheureusement, en août 1810, il est gravement blessé au combat de Moguer, et doit quitter l’Espagne. Il ne se remettra jamais complètement de cette blessure, dont l’emplacement varie suivant les biographes. Nommé capitaine en 1812, il obtient sa mise à la retraite pour raison de santé. Pendant sa convalescence, il rédige un grand mémoire sur les bancs de coquillages andalous et silésiens qu’il compare aux mêmes formations découvertes à Lauzerte, près de chez son père. Ce mémoire est encore salué par Cuvier. Une description de l’Andalousie, rédigée par le capitaine de Férussac et publiée par MalteBrun, est remarquée par l’Empereur qui le fait nommer sous-préfet d’Oloron (Basses Pyrénées).


Sous la première Restauration, il est promu chef de bataillon et pendant les Cent Jours il est un court moment sous-préfet de Bazas puis de Compiègne. La seconde Restauration le réintègre dans l’armée, et le nomme à l’état-major de la deuxième division. C’est alors qu’il se marie en 1816 avec Adélaïde de Pleurre, un assez beau parti, qui lui donnera quatre enfants. Il est appelé au ministère de la Guerre pour participer à l’organisation de l’École d’application du nouveau corps d’Etat-major, créé par la réforme Gouvion Saint-Cyr de 1818. Un moment, il est chargé de l’enseignement de géographie et de statistique au sein de cette école. Il est ensuite attaché au corps d’état-major où il atteint le grade de lieutenant-colonel, officier de la Légion d’honneur et chevalier de Saint-Louis.


Souvent en disponibilité pour raison de santé, il est détaché au Dépôt de la guerre, sans affectation particulière autre que la direction du Bulletin décrit ci-dessous, puis un court moment au Ministère du commerce pour diriger un bureau de statistiques.


Le Bulletin général et universel des annonces et des nouvelles scientifiques (appelé couramment Bulletin de Férussac)est un journal à caractère encyclopédique publiant les travaux de près de 300 scientifiques et rédacteurs, au rang desquels on trouve les mathématiciens Augustin Cauchy, Evariste Galois et Niels Abel (jeune mathématicien norvégien mort à 27 ans, qui donnera son nom au prestigieux prix Abel, doté de 600 000 €uros, équivalent du Nobel pour les mathématiques). C'est une œuvre digne des Lumières qui prétend rassembler les connaissances scientifiques françaises pour les diffuser à la terre entière. 170 volumes du Bulletin de Férussac seront publiés entre 1823 et 1831. La parution s'interrompra en raison des difficultés financières d'André de Férussac, totalement ruiné.
Par ailleurs, son travail sur les statistiques et leur développement l'amènent à créer une éphémère Société Libre de Statistique, présidée par Jean-Antoine Chaptal, qui en fait quasiment le précurseur et planificateur de notre actuel INSEE.


Sous la Restauration, le baron de Férussac a poursuivi ses travaux scientifiques. Il entend mener à bien la grande œuvre de classification des mollusques non marins, fossiles ou vivants, entreprise par son père, décédé en 1815. Il présente à l’Académie un plan général de cette entreprise monumentale, à laquelle contribueront plusieurs savants, principalement Charles Marie d’Orbigny, Sander Rang (à qui on doit le récit du naufrage de La Méduse où il était enseigne de vaisseau), Antoine Augustin Cournot et Gérard Deshayes.
André d'Audebard de Férussac a eu une courte carrière politique. Élu député de Moissac (Tarn-et-Garonne) aux élections partielles du 21 octobre 1830, il a siégé à la Chambre jusqu’à la fin de la session parlementaire. Il meurt à Paris, le 21 janvier 1836, 25 rue de l’Université, où il réside, laissant des dettes monumentales, de l'ordre de 270 000 €uros.
La publication de la volumineuse Histoire naturelle générale et particulière des Mollusques terrestres et fluviatiles ne sera achevée qu’en 1851, après la mort d’André de Férussac.

La fin de la dynastie des d'Audebard de Férussac

André de Férussac a passé trente ans dans l’Armée. Son deuxième fils, Louis Guillaume (1821-1871), élève de Saint-Cyr, a fait les campagnes d’Afrique, d’Italie, de Crimée. Colonel commandant le 71e RI, pendant la guerre de 1870, il est fait prisonnier à Sedan. Il est nommé général et meurt le 24 avril 1871, lors du second siège de Paris. Un des petits-fils d’André, fils aîné de Bertrand Amédée, le baron Amédée de Férussac, né en 1848, chef de bataillon d’Infanterie coloniale, a fait les campagnes de Cochinchine et du Tonkin. Marié à une Suédoise, il n’a pas eu de descendance mâle. Son neveu, Roger Prosper d’Audebard de Férussac, né le 19 mars 1887 à Paris, fils de Louis Hermann de Férussac, rentier, second et dernier fils du baron Bertrand Amédée, rentier, est mort pour la France, le 11 juin 1915, à Neuville Saint-Vaast dans le Pas-de-Calais. Il était caporal au 228e RI. Son demi-frère Louis, né en 1906 d’un second lit, est le dernier des Férussac, il est mort sans descendance, semble-t-il.


Références : B. Bru et Th. Martin in Electronic Journ@l for History of Probability and Statistics
Antoine Augustin Cournot, oeuvres complètes

 

vélite de la garde impériale

Vélite de la Garde Impériale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

férussac à Saragosse

 

 

 

ordre de Saint Louis

Ordre de Saint Louis

 

bulletin général

 

classification des mollusques

 

 

 

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Mis à jour le 05.03.2018